110 ans de vie musicale locale

La Philharmonie en 1907La Philharmonie est née à l’aube du XXe siècle, quand l’Alsace et la Moselle faisaient partie du Reich fondé à Versailles sur la défaite française de 1870. Strasbourg, devenue chef-lieu du Reichsland, se vit promue vitrine du prestige impérial et bénéficia d’une période d’expansion et de prospérité sans précédent.

 

L’époque wilhelminienne, qui n’est pas sans rappeler la Belle Epoque en France, connut une vie culturelle et associative florissante à Strasbourg. Nombre de sociétés chorales et musicales y virent le jour: l’Orchestre Municipal, manière allemande, l’Orchestre du Conservatoire, la Musique des Sapeurs-Pompiers, l’Harmonie Militaire, l’Harmonie Strasbourgeoise, le Männergesangverein (qui fit construire en 1902 le Sängerhaus, l’actuel Palais des Fêtes), la Fanfare Sellenick, la Concordia, etc. Certaines d’entre elles, dont les positions trop francophiles déplurent aux maîtres du moment, furent dissoutes, ce qui ne les empêcha pas de renaître sous d’autres noms par la suite.

C’est en décembre 1899 que pour la première fois se réunirent quelques amateurs alsaciens fervents de musique, et désireux de faire pièce à une formation symphonique rivale, composée de cadres civils et militaires allemands, l’Orchesterverein.

Progressivement ils étoffèrent les rangs de leur orchestre et se constituèrent un public d’amis et de sympathisants, tant et si bien qu’ils obtinrent en novembre 1900 l’autorisation administrative de se produire en public. Le premier concert de La Philharmonie eut lieu le 9 février 1901 à l’Aubette, devant un public nombreux et enthousiaste.

Jusqu’à la Première Guerre Mondiale, qui mit fin pour 4 ans à son activité, la Philharmonie donna près de 60 concerts dont 27 concerts statutaires pour ses membres cotisants. Ses concerts au Palais des Fêtes et au Grand Restaurant de l’Orangerie étaient devenus l’un des agréments de la vie strasbourgeoise. Les soirs d’été l’on dansait sous les frondaisons de l’Orangerie après le concert.

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Mais La Philharmonie joua aussi pour les victimes de la Montagne Pelée en Martinique (1902), celles de la catastrophe minière de Courrières (1906), pour l’inauguration, près de Wissembourg, du monument aux morts de 1870 (1909).

Par esprit protestataire et francophile la programmation de La Philharmonie tendait à privilégier les compositeurs français et alsaciens. C’est ainsi que furent créées en 1904 les Scènes Alsaciennes de Jules Massenet, en 1910 la Procession Nocturne d’Henri Rabaud et la Symphonie en fa de Léon Boëllmann, puis en 1913 ses Scènes du Moyen-Age. Les noms des compositeurs alsaciens Auguste Bopp, Eugène Fritsch, Victor Nessler et Marie-Joseph Erb figurent également en bonne place dans les programmes de l’époque.

Dans l’euphorie de la paix retrouvée après le cauchemar de la Grande Guerre, la Philharmonie joua lors de la cérémonie de ré-ouverture de l’Université, présidée par le Maréchal Foch (1919), elle prit sa part à la solidarité nationale en donnant des concerts de gala au profit de la reconstruction des régions sinistrées (1921), du Sanatorium des Etudiants (1925). Elle vola même « Au secours du Franc » jusqu’à l’Opéra de Paris (1926).

La Philharmonie à Paris en 1926En ces années réputées folles, la Philharmonie se mit à prendre la vie du bon côté. La popularité de ses concerts statutaires au Palais des Fêtes et à l’Orangerie, la fidélité de ses membres cotisants et la saine gestion de ses finances permirent à la Société de cultiver une vie associative généreuse et conviviale. C’est l’époque des soirées familiales, des sorties à la campagne et des plaisirs de la table.

La tourmente d’une nouvelle guerre mondiale et de l’occupation allemande fit courber l’échine à la Philharmonie. Etroitement encadrée par le nouveau pouvoir, elle dut se prêter bon gré mal gré à plus d’une manifestation de propagande, mais put néanmoins continuer à donner régulièrement ses concerts, à condition d’éviter les œuvres mises à l’index par les Allemands. Pour contribuer à soulager les traumatismes des années brunes le premier concert après la Libération fut donné au profit des sinistrés de la ville de Strasbourg.

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Au fil des années et des dizaines anniversaires, des solistes de renom régional, national ou même international ont rehaussé de leur présence les concerts du Palais des Fêtes. Citons seulement la star alsacienne de Boston, Charles Munch, venu diriger l’orchestre dont il avait été jadis le premier violon solo, lors du 50e anniversaire de la Société (1950), ou le violoniste Jean-Jacques Kantorow donnant une étourdissante Symphonie Espagnole au Palais des Congrès lors du Centenaire (2000).

Cependant la Philharmonie n’échappe pas à l’air du temps. La démocratisation de la musique enregistrée, la baisse de la pratique instrumentale dans les familles, la concurrence de multiples formations musicales puisant toutes dans le même vivier d’amateurs éclairés, la désaffection dont souffre le bénévolat et l’individualisme de notre époque se conjuguent pour compliquer la tâche des responsables soucieux de faire prospérer leur orchestre symphonique amateur.

Cette évolution impose à la Philharmonie de se produire plus fréquemment en-dehors de ses rendez-vous statutaires avec ses membres, afin de se faire mieux connaître et d’étoffer ses ressources. C’est ainsi qu’elle a collaboré notamment avec la Chorale Strasbourgeoise, la Chorale des Enseignants, la Chorale de la Cathédrale, le Chœur de St Guillaume, pour monter les chefs-d’œuvres du répertoire spirituel dans les hauts lieux de l’architecture sacrée en Alsace, voire au-delà des Vosges ou du Rhin.

Dans un registre plus profane, La Philharmonie a participé une dizaine de fois aux Flâneries Nocturnes d’été au Pavillon Joséphine, et agrémenté d’intermèdes musicaux des congrès de corporations, d’ONG, de médecins, de clubs tels que le Rotary ou le Kiwanis. ou des fêtes données en l’honneur de personnalités publiques ou artistiques alsaciennes. Elle a également participé au spectacle historique « Malgré-Nous » de Charly Damm, et même au tournage d’un film « Mes enfants ne sont pas comme les autres » de Denis Dercourt.

A l’orée de son 2e siècle d’existence La Philharmonie compte bien continuer à remplir ses missions de toujours: la pratique de la musique d’orchestre pour le plaisir, la valorisation d’un répertoire symphonique peu joué par les formations professionnelles, et l’occasion de se produire offerte à de jeunes talents à qui La Philharmonie peut servir de tremplin vers une carrière soliste.

C’est dans le développement de relations de partenariat avec des associations à vocation musicale ou avec des collectivités locales entreprenantes en matière de culture que la Philharmonie cherche aujourd’hui le moyen d’ouvrir de nouveaux débouchés à son activité, d’élargir son audience et de tenir son rang.

MS

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Les chefs d’orchestre de la Philharmonie

Guillaume RIFF 1901-1914, 1919-1920

René MONFEUILLARD 1920-1939

Philippe ACKER 1945-1953

René MATTER 1954-1963

Charles SCHWARZ 1963-1972

Claude SCHNITZLER 1972-1977

Ferdinand KOCH 1977-1983

Gérard FOLTZ 1984-2005

Etienne BARDON 2007-2021

Rémy ABRAHAM depuis 2022